Aux origines du Tatouage

« Le tatouage, c’est une œuvre éternelle sur un support éphémère » (Pascal Tourain)
Le tatouage peut être défini comme l’introduction de pigments ou de substances possédant un pouvoir chromatique dans le derme dans le but d’en obtenir un dessin permanent.
Son histoire débute en Océanie. En effet, alors que le capitaine James Cook et son équipage rejoignent Tahiti, ils découvrent l’existence d’indigènes présentant des peintures corporelles. 2)

Malgré une pratique qui remonterait à plus de 3000 ans avant notre ère, le terme tattoo est employé pour la première fois en 1769. En effet, les premières traces de peinture corporelle et de tatouages ont été identifiées sur le corps d’un ancêtre découvert dans les Alpes de l’Ötzal.
Rarement une momie aura suscité autant de curiosité et d’investigations ! Ce corps incroyablement préservé venu du fond des âges est ainsi devenu au fils des ans l’un des vestiges humains les plus étudiés de la planète.
Vingt-trois ans après sa découverte, voici ce que l’on sait de lui :
- Il gisait dans un ravin. L’Homme des Glaces, découvert par hasard par deux randonneurs allemands
- Il avait les yeux bruns et les cheveux noirs. Décrit comme un berger, puis ensuite un chasseur, des analyses génétiques réalisées en 2012 à partir d’échantillons d’ADN
- Il était intolérant au lactose, comme l’indique les mutations observées sur son gène MCM6.
- Il était prédisposé à une maladie cardiaque. D’importantes quantités de graisse ont été découvertes dans ses artères.
- Il souffrait de la maladie de Lyme, une pathologie d’origine bactérienne (Borrelia borgdorferi) transmise pas des tiques
- Il avait une parasitose. Otzi était porteur de parasites intestinaux du genre nématode (Trichuris trichuria),
- Il avait mangé du bouquetin lors de son dernier repas. L’analyse du contenu de son estomac
- Il portait un arc et une hache en cuivre. Parmi les 70 objets retrouvés à proximité de son corps
- Il serait mort assassiné. Parmi les hypothèses expliquant son décès.

La plupart des traces sont, dans la majorité des cas, des lignes parallèles, souvent représentées par groupe de trois ou quatre.
Le plus grand nombre se trouve sur les membres inférieurs dont sept groupes sur la jambe droite, quatre sur la gauche, les autres, autour du poignet gauche et la région lombaire.
Elles forment cependant une croix dans le creux du genou droit et sur la cheville gauche.

Les signataires de l’article publié dans le Journal of Cultural Heritage
S’interrogent en effet sur le rôle qu’ont pu avoir ces tatouages à l’époque préhistorique.
Lors de travaux précédents, les tatouages d’Ötzi avaient été associés à une forme primitive d’acupuncture, cette médecine traditionnelle asiatique pourtant apparue que 2000 plus tard…
Les motifs tatoués semblaient en relation avec des zones portant des traces de maladies dégénératives, en particulier des lésions d’arthrose au niveau des articulations : genoux, chevilles et poignets.

Aux IVe et Ve siècles, l'État romain décide de faire tatouer plusieurs de ses agents.
Soldats, armuriers et fontainiers, pourtant d’origine libre, se voient marqués sur la main à l’instar des condamnés et des esclaves. Cette mesure vise avant tout à lutter contre le détournement de la main-d’œuvre publique.
Mais elle porte aussi atteinte à l’intégrité corporelle, l’un des fondements de la citoyenneté.
En ce début de IVe siècle, il s’agit de la seule forme de tatouage public en vigueur dans le monde romain.
Ce tatouage peut frapper les esclaves, mais aussi les hommes libres. Ce tatouage pénal réformé possède deux caractéristiques importantes : il est imprimé sur la main et vise à décourager le détournement de la main d’œuvre sur laquelle il est reproduit. Aux époques pharaonique, néo-babylonienne et perse, les souverains et les grands temples marquaient déjà ainsi certains de leurs dépendants. Ces deux caractéristiques se retrouvent aussi dans le tatouage que l’État impose aux soldats et aux armuriers à partir de la fin du IVe siècle.
C’est également le contrôle des effectifs et des affectations qui a motivé le tatouage les agents publics romains. Soldats et armuriers, tous de statut militaire, forment deux corps stratégiques sur lequel l’État entend exercer une tutelle stricte.

Au Japon, le tatouage est un outil punitif
Durant l’époque d’Edo (1600-1868), l’irezumi (tatouage japonais) est une pratique exercée de force contre les criminels sur des zones bien précises, le bras ou sur le front principalement.
Malgré cette mauvaise réputation, la pratique du tatouage se généralise dans la société Japonaise qui se couvre la peau de dragons et autres symboles.
Cependant, en 1872, le gouvernement japonais finit par interdire totalement cette pratique avant qu’elle ne soit de nouveau approuvée pendant l’occupation Américaine en 1948.
Autrefois, le tatouage était considéré comme un signe d’appartenance à un clan ou à un groupe social.


En Europe, une pratique remise au gout du jour par des marins de retour de Polynésie
En 787, le tatouage est interdit en Europe; en effet, l’Église le considère comme un signe Paien.
C’est XVIIIe siècle que le tatouage sera remis au gout du jour après le retour de marins de Polynésie ; cela deviendra un marqueur majeur de cette catégorie sociale.
La création de la machine à tatouer électrique, en 1891 à New York, par Samuel O’Reilly va révolutionner cette pratique.
Elle va permettre de développer et surtout de démocratiser la pratique du tatouage. En parallèle, la recherche de nouvelles encres pouvant être synthétisées par l’homme va accentuer l’ampleur du phénomène.


La première machine à tatouer pré-brevet d'O'Reilly
Était un plugger dentaire modifié, qu’il utilisa pour tatouer plusieurs attractions de musée dime pour une exposition entre les années 1889 et 1891. À partir de la fin des années 1880, les machines à tatouer ont continuellement évolué pour devenir ce que nous considérons maintenant comme un moderne. machine à tatouer. O’Reilly a d’abord possédé une boutique au 5 Chatham Square sur le Bowery de New York.
Le tatouage
Est devenu ensuite une marque corporelle communément visible sur la surface de l’enveloppe charnelle de l’homme et de la femme moderne. En effet, par le passé, cette pratique ancestrale ne concernait qu’une infime partie de la population mondiale. Elle a ensuite, avec le temps, évoluée afin de devenir en quelques décennies un phénomène d’une grande ampleur dans les pays les plus développés.



Le tatouage est à ce jour une pratique marquée socialement
-31% sont des travailleurs indépendants
-24% sont des ouvriers
-9% des cadres supérieurs
-En 2017, 16% étaient des femmes et 10% des hommes.
On estime que la moitié des tatoueurs sont clandestin ; avec les normes, (surtout les pigments mais nous en parlerons plus tard) et la « professionnalisation » du métier de tatoueur, cette tendance diminue sensiblement.

REFERENCES :
- Luc Renaut. Le tatouage des hommes libres aux IVe et Ve siècles de notre ère.
Diasporas. Circulations, migrations, histoire, Presses Universitaires du Midi, 2011, 16, pp. 11-27. ⟨halshs-00575657⟩
- Bernadette Arnaud
Diplômée de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), Bernadette Arnaud a été de 1978 à 1992, membre de missions archéologiques et a participé à de nombreuses expéditions scientifiques, dont une vingtaine en Amérique du sud. A partir de 1992, elle a collaboré à la création d’une agence de presse scientifique. Depuis 1999, ses reportages réalisés en Asie, Amérique, Europe, Proche et Moyen-Orient, Afrique ou Asie Centrale sont diffusés dans Sciences et Avenir. Avant de rejoindre ce mensuel, elle a aussi publié dans Focus (Allemagne, Grande Bretagne), Libération, Géo, (France, Allemagne, Espagne, Corée), Blanco y Negro (Espagne), et Archaeology magazine (Etats-Unis). En 2006, elle a été nommée Grand Reporter.
https://www.sciencesetavenir.fr/auteurs/bernadette-arnaud_21
- Sébastien Galliot. Le tatouage samoan. CNRS-Editions, 2019, Bibliothèque de l'anthropologie, Maurice Godelier, 978-2-271-12639-9. ⟨hal-02282382⟩
- Capital